jeudi 26 novembre 2009

Cvartet pentru o lavaliera - Texte de Sébastien Noulet

Une cabine téléphonique. Coincés dedans, trois interprètes ont une directive claire à suivre: ne pas se manger le bout du nez. Sur base de ce postulat, ils sont libres d’improviser ce que bon leur semble pour autant, donc, qu’ils respectent le défi de se supporter… et de supporter la chaleur des autres.
Au cours de l’heure assignée à cette performance, le trio est soumis à un environnement sonore composé par un quatrième acteur situé à proximité, le DJ. Simultanément ou en alternance à ses mixes, les performeurs créent leur propre univers sonore via un micro-cravate (lavaliera en roumain) installé dans la cabine. Ce dispositif caché amplifie tous les bruits: respiration, frottement des mains et des semelles sur la vitre, gestes, mouvements, voix...
Pendant une heure, ils entrent dans un délire limité à 3 mètres cube: ils se portent l’un l’autre, se poussent, s’entremêlent, se décoiffent, se retroussent les chaussettes, la jupe et le pantalon, se découvrent, se recoiffent, se palpent, se pincent, s’embêtent, s’écrasent, se surmontent, se chevauchent, s’en prennent l’un à l’autre, s’énervent, sursautent, gémissent, se calment, chantonnent, se collent à la vitre ou frappent dessus, s’embrassent, se supportent…
Tout ce remue-ménage dégage de la chaleur, qui crée de la buée, qui se condense et ruisselle. Et le public, malheureusement statique (assis), observe comment l’on peut survivre à cette drôle d’expérimentation pas très humaine. Et pourtant reconnaissable si l'on pense à une télécabine ou un ascenseur bloqué par une panne de courant.
Etonnamment, durant toute la durée du spectacle, on s'attend à une issue violente. Comment est-il possible de rester si longtemps enfermés avec d’autres personnes sans en venir au mot ou aux mains? Là, réside sans doute l’exploit de Lavaliera...: ne pas tomber dans le prévisible, nous obliger à regarder (assis que nous sommes) des individus obligés de vivre ensemble (à notre image), coincés dans leur propre existence, transparents.
Enfin, si l’on pousse la réflexion un peu plus loin, l’idée de la cabine sous écoute mais sans téléphone illustre parfaitement notre société où le téléphone est devenu, plus qu’un outil de communication, un bon outil de localisation...

Clash - Photos d'Eric Vauthier










Clash - Texte de Sébastien Noulet

Clash rime avec «trash, splash, flash»... Le jeune duo (deux ados de 18 ans) est animé d’un feu vivace. L’un chante, l’autre danse, exprimant chacun à sa façon son trop plein d’énergie. Les mots défilent à toute allure, en saccades, sur des rythmes de hip-hop. En écho au beat box, du break dance, des saltos audacieux… Les deux héros se provoquent plus par jeu que par réel défi, car dans cette aventure, ils sont partenaires. Ils se montrent dans toute leur arrogance, ardeur difficilement canalisée. Indomptés.
De cette bouffée d’énergie, on retient, au-delà des démonstrations de force et de talent, un superbe passage scénique et musical influencé par le flamenco où le jeune acrobate danseur, mains à terre, redresse le torse et une jambe tel un scorpion. Ou encore ce moment où, plaqué au sol, il tourne sur lui-même, comme cherchant vainement une issue.
Clash brosse tour à tour les phénomènes du langage ado, du zapping, du street art ou du graffiti. Pour rendre leur histoire plus véridique, Carmen Blanco Principal leur a donné carte blanche. Elle s’est même fait un malin plaisir d’offrir un sac rempli de jouets en pâture à ces deux jeunes hommes à peine sortis de l’adolescence... Et ça fait mal!

Turba - Photos de D. Grappe






Turba - Texte de Julie Pirlot

«Biennale Charleroi/Danses» est-il inscrit sur le billet d’entrée. Pourtant Turba n’a pas grand chose de dansé… 
Le décor, excessif et superflu, fait écarquiller les yeux. Et c’est bien la seule chose dans ce spectacle qui laisse les yeux ronds. Des arbres, des fontaines, des petites plates-formes, de nombreux costumes… Matériel et dispositif scéniques en abondance qui ne servent pas à grand-chose...
L’idée de départ est pourtant sympathique: associer mouvement et composition musicale au texte de Lucrèce, De rerum natura (De la nature des choses), long poème en langue latine qui parle d’être, de créer, de se réaliser... Mais sur le plateau, difficile d’associer ce qui se passe à ce qui est dit. Manque de lisibilité flagrant. Et il est particulièrement frustrant de se sentir totalement idiot, voire inculte, tout au long d’un spectacle.
Le texte latin, déjà complexe au départ, est ensuite traduit en plusieurs langues européennes. Allemand, espagnol, italien, portugais… et on en passe. Sans aucun sur-titre, c’est à vous donner une migraine tenace. Heureusement, le français se place, ici et là. Grand soulagement. Il s’impose même au fur et à mesure du spectacle.
Il n'empêche, les onze interprètes nous endorment par une forme de récitation systématique. Les «acteurs» débitent Lucrèce comme des professeurs complètement indifférents à leurs élèves. Ils récitent, s’arrêtent, reprennent… Ils reprennent, s’arrêtent, récitent… Et cela, pendant toute la mise en scène. Au point d’en devenir franchement agaçants. Au point que des spectateurs n'hésitent pas à se lever et partir… D’autres, par contre, restent jusqu’au bout, totalement accrochés comme l'ont prouvé les applaudissements. Enthousiasme débordant, voire surabondant… Qu’en penser? «Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas», dit-on. Quoi que…

Humus vertebra - Texte de Ludivine Joinnot

Humus vertebra ressemble à s’y méprendre à un conte de fée où les épouvantails évoluent tant pour le plaisir des petits que pour celui des grands. Chacun regarde avec plaisir cette plongée immédiate dans le monde de l’absurde et s’y sent presque chez lui. D’un souvenir de rêve à un souvenir d’enfant.
Univers de cirque. La piste dessinée à même le sol en est le premier témoin. Terre d’accueil pour trois artistes qui avancent, comme ils le peuvent, dans un croisement triangulaire où chacun trouve sa place sans exception. Des pas de danse que l’on aurait, de prime abord, dédié à un couple de danseurs et qui, ici, prennent une valeur d’exception tant le trio semble juste et construit.
Des corps parfaitement souples et malléables qui s’enchevêtrent, devenant pantins animés après s’être probablement tus trop longtemps dans leur condition antérieure d’épouvantails. Ils roulent, ils glissent, ils apprennent à voler tels des oiseaux. Ils s’amusent, se balancent, s’installent. Ils s’attachent, prennent de leur indépendance, combattent leurs incertitudes et leur questionnement. Ils dansent, s’imbriquent dans le corps de l’autre et ses interstices, se déforment tant qu’ils le peuvent.
Des équilibristes, des contorsionnistes, des clowns, des êtres tragiques et hors normes. Un peu de tout cela à la fois. Pour créer toutes les combinaisons possibles avec un matériel basique que sont trois grandes boîtes. Trois caisses aux fonctions multiples: balancelle, bateau, wagon de train, cercueil, building aussi, peut-être. Souvenir d’enfant s’amusant avec le carton qui emballait son cadeau d’anniversaire plutôt qu’avec le cadeau lui-même. Trois êtres perdus qui reprennent contact avec ce qu’ils peuvent de l’existence, une fois dotés du pouvoir du mouvement. Dextérité d’aménagements plus loufoques les uns que les autres. Trois boîtes pour une multitude de solutions, pour un équilibre sans bavure. Bien que le risque du déséquilibre effraie, ils virevoltent avec force, violence parfois, délicatesse et tendresse. Des croquemitaines qui donnent un sens à leur raison d’être. Une petite émotion malgré une légèreté apparente de l’histoire, laquelle se rattrape largement avec une trame chorégraphique recherchée et percutante, soutenue par des imbrications harmonieuses de corps.
Surgissent, par instants, des défilés d’images, par petits éclairs quand vient la lune la nuit. De ces films courts, entre réalité et fiction, entre hallucinations et vertiges. Univers animal où l’on s’amuse à reconnaître un chien, un homme, un singe, un bélier ou un bouc. Lesquels se transforment perpétuellement pour semer le trouble.
Puis, une petite musique. Non permanente. Qui part et revient. Sans trop encombrer. Juste ce qu’il faut d’incursions. Des percussions créées par les danseurs eux-mêmes, des petites musiques de jouets d’enfants pour rythmer des cabrioles, des culbutes, des cumulets au sol, d’un corps à l’autre, les trois combinés.
Plus que de la danse à proprement parler, Humus vertebra se perçoit comme une pièce de théâtre muet ou comme une performance de cirque. Trilogie artistique sympathique, jolie, divertissante, légère et drôle tout autant qu’émouvante qui ne manquera pas de laisser un petit souvenir dans les jours du futur proche.

Adapting for distortion + Haptic - Texte de Ludivine Joinnot

Adapting for Distorsion et Haptic. Deux dimensions. Un même espace revisité et réinvesti par un même danseur. Adapting for Distorsion opte pour le blanc. Haptic pour la couleur; du bleu au vert en passant par quelques touches de rouge. Des néons qui brillent dans la nuit.
Adapting for Distorsion, c’est un corps qui penche, qui voudrait se laisser aller à tomber dans le vide de ses pas. Central, l’homme est l’élément qui plante le décor. Le tableau à l’arrière plan se quadrille après s’être ligné. Comme un cahier d’écolier devenu mire de télévision. L’immobilité du danseur perturbe pour bientôt prendre du mouvement. Tout en subtilité. Tout en discrétion aussi. Petit tournis délicat qui se fait à peine sentir. Parfois, l’électricité d’un son, celle aussi d’une image qui envahit l’espace allant jusqu’à faire passer le danseur pour élément secondaire de la composition.
La scène bat au rythme d’un paysage qui défilerait, toujours à l’identique d’un long voyage en train, calé sur des rails. Monotonie de passage même si le corps tend à s’articuler, à se désarticuler. Zèbre hypnotique, le danseur propose quelques pas que l’on pourrait rapprocher du registre hip-hop. Il hypnotise certes mais dans une structure trop conforme, trop électrisée qui finit par agacer sur la longueur. Les vibrations sont réelles. Celles du spectateur, aussi. Mais l’on se demande parfois si c’est le corps du danseur qui danse ou si ce sont les images de la scène qui bougent. Sans doute le jeu réside-t-il là, dans cette ambiguïté précise. Mais une image peut-elle remplacer un humain?
Haptic se calque sur le premier modèle. En presque tout point. La durée de la prestation comprise. Si ce n’est le costume du danseur qui change de couleur, si ce n’est la géométrie du lieu qui se reconfigure. Les carrés sont remplacés par des droites. Bleues et vertes. Sur tubes de néon, dirait-on. Le jeu sur la couleur persiste autant que le jeu sur les formes d’Adapting for Distorsion. Le rouge survient et, avec lui, des mouvements plus généreux du danseur à qui l’on redemanderait bien de nous faire revoir ses pas sans ombre ni lumière ni décor. Dans une plus grande simplicité qui nous dirait si, réellement, c’est le corps qui décide ou s’il s’agit du décor qui porte en lui toute la magie de cette hypnotisante prestation…

Demain - Texte de Ludivine Joinnot

Tête levée vers le ciel. Comme des signes de la main. Sensualité. Appel de l’air. Appel du ciel. Continuer de danser quand les techniciens surgissent. Oui. Pieds nus. Jouer avec l’espace. Eclairage en place. Décor surgissant de là-haut. Une toile. Toujours le silence. Circulation de l’air. Circulation de l’eau. Entre ombre(s) et lumière(s). Calme. Agilité paisible. Apaisement félin. Parfois sauvage. Musique. Etalement de cheveux blonds sur le sol. Tête qui se souvient. Et l’enfer.
Des murmures… «Je suppose que vous savez...» Angoisse. Sous la lampe. Le bruit. Les avions. Les autos. Les insectes. Ceux qui bourdonnent. Il y en a partout. Responsabilité. Tout s’arrête. Plus rien. Cela se propage. Les murmures. Le phénomène. L’épidémie. Les grésillements. Le corps recroquevillé. «Je suppose que vous savez...»
Volatilisée. Épuisée. Dans l’immensité. Dans la gravité. Le glas. On sonnera le glas. Puis, plus rien. «Einstein.» Assise. Des bourdonnements. Partout. L’ampleur du problème. La foule. Une voiture passe. Un couple s’embrasse. L’évolution au ralenti. Dans une rue.
«Nous n’avons pas le temps.» Elle trébuche. «C’est insupportable», l’angoisse de l’avenir. «La mer est très polluée.» Beethoven. «Tous les arbres ont brûlé Un mur éclairé. «Alors, j’ai souri Quand Michèle Noiret porte ses angoisses, elle dénoue ses cheveux.
La nuit va tomber. Comme le reste. Qu’a-t-elle dit, déjà? Cette envie de crier. Le doigt tendu. La 7e Symphonie. Comme dans Neige. Mais plus profond encore. Limpide, la musique retentit, claire et forte. Émouvante.
Le corps est aussi virtuose que la musique. Cohésion de l’ensemble. Les deux font alliance. Elle «funambulise» le lieu. Elle se l’approprie. Elle danse, fragile, et ramène, à elle, l’espace. De ces gestes que l’on fait quand on dessine des ombres chinoises sans en dessiner. Elle occupe tout l’espace. Comme la musique. Ses doigts jouent de la musique, justement. Frissons. Sans saccade. Déliés. Ruban de pas. Le décor évolue. Imperturbable, elle continue de danser quand les techniciens investissent à nouveau la scène. Une chaise. Le silence. Changement de décor. Elle dénoue ses cheveux. Elle s’assied. Délicatement. Elle est féminine. Elle est au bain. Comme Marat. Comme dans le tableau de David.
«La page blanche n’a rien à dire. Tout est à rien. La fenêtre est ouverte. Comme un appel. Un chien jappe. On toque à la porte. Elle se sent si bien à présent. Ici et maintenant. Elle lit. Le temps passe. Elle repose son livre. Le plancher grince. Le va et vient des passants. Le soleil pénètre dans l’entrée. Elle sourit. Impact. Une goutte d’eau éclate sur son front. Une mouche vole. Il fait sombre. Le temps défile. Ou quelque chose qui y ressemble. Il pleut dans la maison. Une nuée d’insectes. Elle se brûle les doigts. Elle veut se lever. Ouvre la porte. Un chien ronge les os de sa propre patte. Le torrent de boue l’emporte
«Tu me décoiffes», c’est son inscription de sang à même le mur. «Il n’y a plus de chien. Plus de porte. Plus rien. Le monde est comme un bout de bois pourri. Impact Des angoisses. Lumière rouge. Elle penche la tête. De chaque côté. Pour détecter les gémissements, les cris, «les menaces de la page encore vierge.» Elle entend frapper à la porte. Ça cogne dans le corps. Ça cogne dans la tête. Le corps est happé. La lueur danse. La peur se lit sur son visage mais elle continue de danser, dans le tourbillon de sa folie, de sa frayeur. Ses cheveux tournoient. Le vent se lève. La terre tremble un peu. Des morceaux de terre viennent cogner les bruits. Tout s’écroule. Tout s’effondre. Des débris d’explosion plein le sol. A bout de souffle. Courir encore. Quand tout tombe. Quand tout tremble. Tout. Absolument tout. Le contraire du rien. Les débris sont les fractures du présent et laissent des cicatrices profondes pour les jours de demain. Malgré le bleu, le vert et le jaune.
Tout redevient plus calme. La pluie lavera les ombres, soignera le mal et apaisera la tempête. Puis, viendra la boue en bouillons. Et les billes en suspension. Atomes libérés et vivant ou morts. Chacun a le choix. Des bruits de pas. Devant. Une voiture. Elle, sur le fil. Et le vent. S’asseoir à la table. Près du verre encore vide. Comme dans une publicité pour un whisky. Sensuelle, elle se sert un verre. Blonde d’être elle. Qui est en face d’elle? Avec qui trinque-t-elle? Même elle ne le sait sans doute pas. Elle cherche des voix. Mais ne les voit pas. Elle se lève. Elle se rassied. Ses mouvements sont flous. Elle cherche encore. Ses cheveux sont flous aussi. Animalisée. Tête entre les mains. Humanisée. Disparaître. Bouger. Floue comme un fantôme. Un automate fantomatique. Fantôme de son propre corps. «Qui est là?» On ne sait toujours pas. S’en aller. Un fantôme. Un ange. Ou les deux. Le moment de transition. Bruit du vent. Tourbillon. Frissons. Tremblement de terre. S’asseoir à la table. S’y coucher. Le flou. L’angoisse. Tomber. Revenir. S’asseoir au sol. S’accrocher. S’écorcher. Être aspirée. Balancement. Drapé d’une robe. Les ombres chinoises. Les ombres qui errent. D’une vie blanche à une mort noire. Disparaître. Le fantôme. Flou. Revenir. Flou.
Même le vrai semble flou. Plus flou que le faux. Contre les murs, le faux est vrai. Le vrai est faux. Flou. Passer entre les murs. Et l’angoisse. Toucher les murs. Le long du couloir. Longer les murs. Disparaître. Revenir. Aspiration. Accrochée. Décrochée. Apeurée. Disons que l’angoisse, c’est la nuit à l’envers. Le flash. Un seul. Comme une photographie discrète. Pour immortaliser.
«Partout. Partout. Pas de lien qui. Je suppose que vous savez… Elle. Balance des bras. Elle. S’arrête.» Epuisée. S’arrête. Voilà que. Vous savez. Ne produisent plus rien. Nager dans l’air. Le brasser. L’embrasser. Absolument rien. «Ce phénomène, c’est un phénomène en tant que phénomène. Une étonnante épidémie. D’une gravité. Je suppose que vous, vous savez. Ce La. Cela se. Propage. Vol d’un insecte. Quatre-vingts pourcents en quelques mois. Pourcents. En quelques mois. Quatre-vingts pourcents en quelques mois. Morts Un mort traverse la pièce. «Volatilisé. Annihilé. L’immensité Les bras en croix. La gravité. Courber le dos. «Pour sonner le glas. Vous savez? Le glas! Einstein Lancer. «Déjà. Einstein. Prétendument. Quatre âmes nées. Soixante millions derrière, c’était normal. En tant que phénomène
Ambiance froide. La «responsabilité indubitable. La responsabilité partout. Pas de lien. Je suppose que Meurent-ils? Où vivent-ils? Où agonisent-ils? Et ses pattes… Et son corps… Et ce corps de danseuse allongé dans une lumière qui tomberait du ciel. L’angoisse. La peur. La peur de la mort. Une inconnue d’équation. Le souffle qui s’arrête après s’être accéléré. L’angoisse. Le mal. C’est sûr, elle va mourir. Nous allons tous mourir un jour. Mais pas maintenant. Même le drap humide ne la fera pas mourir. Le plancher craque. La porte grince. La nuit ferme ses verrous. La table se couche. L’angoisse se blottit au creux du ventre. Sensuelle encore dans son approche de l’ailleurs. D’un endroit. Du vide. Le vide d’un autre endroit. S’essuyer la bouche. Balancer. Grincer. Se relâcher. S’agripper. Entre les deux. Les verrous de la porte. Les deux eaux. Se recroqueviller. Se battre. Se débattre. Ramper. S’agripper davantage. Rejeter son corps à la vie. Sur la rive droite. Dans l’angoisse. Tourner en carré. L’image tremble. Les insectes reviennent. Et survolent l’angoisse. Courir. Tenir. Courir. Tenir. L’angoisse a peur elle aussi. Du vide. Du grand saut. Du grand saut dans le vide. Les verrous. L’angoisse. Fermer les émotions. Les survoler comme sur la piste. Décoller. S’éloigner. Dans un papier, en semi transparence, en semi opacité. Corps plié. La ville. L’envol. Le survol. Au ralenti. Devenir un ange. L’enveloppe de l’ange. Les ailes du désir, Wim Wenders. S’en défaire. Oui. La 7e Symphonie de Beethoven retentit. Des anges perdent leurs plumes de papier. «Secrète douleur. J’attends. J’irai. Par les chemins. A l’Ouest. Ensoleillé. Le numéro complémentaire. Les viandes contaminées. Je sais que la banquise…. Demain. Foutue. L’inflation. Un tsunami. La télévision. Le pétrole
La toile déchirée. L’orage. L’éclair. Le tonnerre. La 7e Symphonie de Beethoven. Aspiration. La neige. Un peu. Ou la pluie. Le vent. Le réchauffement de la planète. «Fondu. A la dérive. Demain… Demain… Demain… Demain, dès l’aube, dès l’heure où blanchira la campagne, je partirai. Vois-tu?»

Chambre(s) d'hôtel - Photos de Zoé Zachos