mercredi 18 novembre 2009

Street performance - Texte de Sébastien Noulet

Une femme, un tube de verre, elle le gratte, sur le sol, puis l’agite sous notre nez. Tout de suite, elle lance un défi. Audace.

Première étincelle, elle enflamme une mèche, dans le tube, nous regarde par le trou de fumée, œil déjà en feu, le propage.

Elle tourne autour des terrils, marche, court, les contourne, les nargue, s’agite.

Explosion

La terre jaillit, de la terre en pleine gueule, personne n’y échappe, on est sali. Et elle, au milieu, jubile, se crève les tympans, anarchiste.

Terre noire dans les yeux, dans les cheveux, sur nos vêtements. On se croit victime d’un attentat.

Elle, se prépare, après les autres, à elle, d’exploser.

Dynamites au pied, tête froide, elle se met le feu.

Détonation

Seule sur ses décombres, kamikaze, son corps fume, contre la guerre.

Une ombre tourne

Installations urbaines - Texte de Ludivine Joinnot

Installations urbaines *
la rue, un lieu de passage où le promeneur s’interroge
curiosité de celui qui ne sait pas et prête son regard
à ce qu’il voit
indifférence de l’autre qui passe son chemin
liberté de chacun de s’arrêter ou pas
de rêver, de s’émerveiller, de s’émouvoir
de ne pas aimer, de trouver cela ridicule ou trop peu ordinaire


des danseurs s’amusent à improviser des pas
dans la vitrine d’un commerce
une femme cherche à s’enflammer
en face de l’hôtel-de-ville
un espace surplombe la ville
diffusion de mots dans des haut-parleurs


la ville prend des airs de fête
les rues s’emballent et dansent
dommage que cela ne dure qu’un temps, petit...



* Un texte en réponse/souvenir à trois performances de la Biennale, dans trois lieux différents de Charleroi: Street performance de Gwendoline Robin, Danse, danse, danse, tant que tu peux de Lise Ducloux et Stations urbaines de Maya Bösch

The end - Texte de Vincent Desoutter

The End est un éclat de génie articulé autour de Lecture on nothing, discours de John Cage donné en 1950 à l'Artist's Club de New York. Tantôt dans l'expression littérale, tantôt dans le prolongement de sa pensée prolifique, les danseurs recréent un texte profond mais non avare d'humour.


Mais... de quoi ça parle?
Comme il l'annonce dans son titre, John Cage ne parle de rien. A l'origine, il n'était nulle part, et peu à peu, il ne va nulle part. Mais très loin d'un quelconque nihilisme, il lève le voile sur une pensée qui fait un bout de chemin pour aller de nulle part à nulle part. «Ce n'est pas irritant d'être là où l'on est». Derrière cela, le plaisir de ne rien posséder pour mieux jouir de toute chose. En fil rouge, la question de notre rapport au sens qui plane sur l'ensemble du discours.


… Hein?
«Une structure sans vie, c'est la mort, mais une vie sans structure est invisible», c'est pourquoi John Cage appuie dans son propos le déroulé de son plan, de manière tellement systématique qu'elle tourne à l'absurde. Pourtant, au sein de cette méta-structure, nul besoin d'avoir une idée, même si elle peut survenir. Une fois la structure déterminée, l'analyse se porte sur le matériau, qui devient champ de possibilités pour peu qu'on refuse à notre esprit de le limiter.


Et sur le plateau?
La présence des danseurs permet d'orienter la lecture du texte sur notre rapport à la danse et notre recherche (ou non) de sens dans celle-ci. Mais jamais The end ne donne l'impression d'assister à la retranscription chorégraphique d'une conférence. D'une grande expressivité, ces cinq danseurs détournent le regard de l'oratrice, également danseuse d'un moment, et développent une palette de mouvement joyeusement foutraque.


… Hein? (Bis, bis!)
Jeux sur la forme, jeux de poses, jeux sur les costumes et, enfin, jeux sur ce matériau qu'est le corps, avec des danseurs qui râlent, piaillent, vrombissent, frémissent, se jettent au sol... Alignés, ils laissent circuler entre eux les énergies à la vitesse des idées énoncées. Formant des structures solidaires, ils matérialisent l'idée de composition de John Cage: dans un tiraillement contradictoire, ils doivent accepter leurs limites.
Quelques images fortes, aussi. Une danseuse seule retirant une à une ses innombrables «strates» de vêtements, changeant d'identité au fil d'une litanie lancinante dont le sens est modulé par ses atours successifs. Surgissant sur le plateau silencieux, une autre danseuse puisant autour d'elle une matière invisible pour l'étendre et l'agencer, image limpide et parlante.


Certains perdent le fil, d'autres la fin
The end passe d’un fouillis truculent à une pièce d’une grande clarté creusant le sens du «nulle part» chez John Cage, point de départ et d’arrivée du discours comme de la chorégraphie. Planant sur l'ensemble de la pièce, la notion de fin est omniprésente au point de perdre tout sens commun. Que reste-t-il alors? Rien et tous ses possibles. Joli pied de nez de Joanne Leighton à John Cage, car The end devient un plaisir sans fin, assurément....