jeudi 3 décembre 2009

Equi voci - Photos de Thierry De Mey et Julien Lambert






Equi voci - Texte de Ludivine Joinnot

Equi voci, un spectacle polymorphe…
Mon premier est un ensemble de diverses pièces musicales jouées par le Brussels Philharmonic de la VRO, placé sous la direction de Michel Tabachnik, chef d’orchestre et directeur artistique.
Mon deuxième est un ensemble de films de danse dont le montage s’opère en temps réel et est projeté sur un triptyque d’écrans. Le dispositif interactif produit des tableaux qui s’enchevêtrent suivant les injonctions gestuelles du chef d’orchestre.
Mon troisième est un ensemble d’images qui s’enchaînent et créent, avec la musique, un moment extraordinaire où chacun reste ébloui.
Mon tout est… Equi Voci!


Prélude à la mer
Film de Thierry De Mey, Prélude à la mer se joue en silence d’abord, puis sur La mer de Claude Debussy, dans un décor absolument magique, éblouissant: la mer d’Aral. La chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker a imaginé des jeux permanents à même le sol entre une femme et un homme, étonnants dans leur substitution et ressemblance. Cynthia Loemij et Marc Lorimer évoluent dans cet espace désert. Tantôt humains, tantôt animaux, ils tracent, sur le sol, des mouvements en toute délicatesse et précision. Le secret du détail se lit tant dans la danse que dans la caméra. Une mer d’Aral devenue lac salé qui se dessèche au milieu d’un désert. Un paysage peint de sable emporté par le vent. Un voile blanc: celui d’un désastre écologique entraînant, petit à petit, la disparition de l’eau. Calme d’un secret: celui d’un endroit qui parle en silence. Fugacité des choses, des mouvements, des âmes et de la nature. Pérennité factice.


La mer
Balade sur les voies navigables, à présent. L’orchestre poursuit son exploration de La mer de Claude Debussy. Une vingtaine de minutes à savourer. Un voyage sur une vague d’images tues que le spectateur s’invente lui-même à défaut de voir l’écran s’illuminer. Se laisser bercer par le flot de la musique, s’étonner du ressac des instruments qui s’assemblent pour un effet des plus enchanteurs.


Ma Mère l’Oye
Les images de Thierry De Mey glissent cette fois sur une composition de Maurice Ravel pour une transposition, en images et musique, des contes de Ma Mère l’Oye de Charles Perrault. Ici, chaque sens s’éveille ou se réveille. Régal des pupilles, festival de couleurs végétales, depuis une forêt fragile à un tapis de feuilles rouges… Une main se glisse sur l’écorce d’un arbre et la caresse, touche du bout de ses doigts effilés l’eau limpide d’un ruisseau. Des racines se confondent dans le sol, des troncs s’alignent en toute harmonie pour que s’éveille le toucher. La nuit bouscule le jour. Ou bien l’inverse. Le temps passe au travers d’un film, le temps s’arrête aussi. Les danseurs jouent à faire du feu, à se laisser tomber sur un sol jonché de feuilles mortes ou dans un petit ruisseau. Quatre bras. Quatre mains. Dont on ne sait plus lesquelles appartiennent à qui, tant les enchevêtrements se font complexes. Féerie. Etrangeté. Le cours d’eau. Un visage. L’eau claire. Le dynamisme. Celui des corps. Celui de la nature. Les sens tous en éveil, on croit rêver…


La valse
Composition de Maurice Ravel. Mise en scène de Thomas Hauert. Danses créées et interprétées par huit interprètes aussi vibrants que les violons de la partition. Rythmes multiples. Variations. L’orchestre s’impose et se libère, éblouissant de perfection. Tandis que les danseurs tournoient, voyagent de corps en corps. Huit félins agiles ramassant leurs pas au rythme de la musique, bras levés vers le ciel. Comme un hommage à la vie dans toute sa vibration. Harmonie sans pareil qui laisse s’enfuir le corps et l’esprit tout entier dans un ciel de coton.


Equi Voci, un ensemble à l’allure d’un parcours sans faute qui témoigne d’une émotion partagée. Grandiose, tout simplement…