Encadrée
Dans la salle d'abord obscure, une voix synthétique donne des directives loufoques. Puis, mis en lumière, l'Itinéraire débute par une étrange mise en abîme où la dimension picturale est plus apparente que la danse à proprement parler.
Mélanie Munt est confinée dans une boîte étroite où elle joue l'autruche, la tête plongée dans un carton. Elle se contorsionne pour se frayer un chemin en-dehors de cette cachette, qu'elle envoie ensuite valser sur le côté.
Reste encore la boîte faussement profonde, qui l’étrique. La chorégraphe-contorsionniste donne l'illusion de s'y lever alors qu'elle reste à l'horizontale. Ses bras et ses jambes constituent eux-mêmes des obstacles à son parcours, raides comme du bois sec. Elle doit les articuler manuellement comme si son corps était une entité fragmentée.
Errance
Enfin sortie de sa cellule étriquée, Mélanie Munt se lève, marche, de manière saccadée. Alternance entre déplacements à quatre pattes et pas hésitants, comme si ses talons décidaient arbitrairement leurs déplacements. Une grande légèreté habille l'ensemble, de la musique enfantine aux touches d'humour éparses de la chorégraphe-interprète.
La question de l'itinéraire, fil rouge narratif, est traitée sans gravité ni réelle profondeur. Au contraire, plutôt de façon ludique: une voix-off rappelle celle d'un GPS par ses intonations systématiques, un loup plus mignon qu'effrayant apparaît dans les bois où s'égare Mélanie Munt. Et elle erre, un peu perdue au milieu de tout ça, espiègle et candide à la fois.
Dirigisme des supports média
Le libre arbitre semble abandonné dans l'évolution de la pièce, ou plus précisément de son «personnage». Comme le soulignent plusieurs séquences. A commencer par la chorégraphie d'une étreinte amoureuse, édictée par la voix machinale d’un GPS. A plusieurs reprises, également, (grâce à un système de vidéo projection), son corps est cerné/marqué/gribouillé par un invisible dessinateur, dans un évident rapport de soumission corps/machine.
Si, au départ, on pourrait croire que la pièce adopte une position critique vis-à-vis de l'invasion des supports média dans notre quotidien, cette impression s'efface rapidement. Et Mélanie Munt de tomber dans un piège qu'elle s'est elle-même tendu: le procédé technique conditionne finalement tout son parcours.
Retour à la case départ, autrement
Finalement, c'est dans sa «boîte-cocon» restée sur scène que Mélanie Munt termine son Itinéraire. Rupture avec les «errances» précédentes, plus virtuelles. Ici, l'espace restreint se transforme en véritable petit havre de paix, confortable malgré son étroitesse. La chorégraphe-interprète s'y loge et revient à quelque chose de très doux, effleurant ses mains, pour un «dénouement» tactile assez abrupt. Comme si pendant son Itinéraire, trop concentrée sur sa destination, Mélanie Munt avait soudain craint de perdre son propre corps... Une fin qui aurait gagné à devenir étape sur le chemin, pour dépasser la dimension théâtrale et revenir à quelque chose de plus organique, de plus «purement» dansé, sans artifices.