Le rideau se lève sur un banc de brouillard épais. L'esprit se perd, s'imagine un lieu inhabité, envahi de brumes.
L'univers qui s'ouvre à nous est étrange, enfoui, porté par la 7e Symphonie de Beethoven. Le vent souffle. Deux silhouettes marchent sur l'eau, les surfacent se reflètent dans un jeu de miroir. Fin du premier tableau.
Le second dévoile cinq danseurs, recroquevillés au sol comme s'ils étaient en hibernation. Seule, au devant de la scène, une femme, semblable à une poupée ensorcelée, danse le regard vide tourné vers le haut. Ses membres semblent plastifiés, le mouvement est répétitif, obsessionnel. Un danseur tente de l'arrêter, ils sont pris dans l'ivresse de leur danse, se repoussant mutuellement.
Pendant ce temps, la neige ne cesse de tomber, imperturbablement, glaciale. Les danseurs sortent de leur blotissement et lancent quelques pas. Obnubilés, les hommes tracent des cercles sur le sol, d'autres balaient des sillons avec leur propre corps.
Les flocons créent un rideau, comme une distance blanche entre eux et nous, ils ouvrent un terrain glissant... Un homme, seul. Est-il égaré ou caché à lui-même? Il rencontre une femme. Comme un ange, elle le happe, lui tend son immense manteau d'un blanc immaculé. Face à lui, elle s'en défait comme d'une peau dont elle n'aurait plus besoin. Le geste léger, elle apparaît superbe, nue. Blanche et lisse, l'homme dépose délicatement sa tête entre ses mains.
La neige continue de tomber. La solitude, le froid, les corps glissent, tombent, se relèvent, pris dans un tourbillon comme une énième tentative avec ce partenaire si particulier. De temps en temps, un corps inerte est retrouvé sous l'épaisseur de la neige. Une danseuse asiatique se perd dans un mouvement qui jaillit comme s'il venait d'une source extérieure. Une certaine beauté brute s’en dégage. Ses contorsions amènent vers quelques figures proches de l'obscène. Un homme l'accompagne. Est-ce sa danse qui la seconde ou le contraire? Il en découle des instants brusques, offerts. La lutte naît. Tuer l'autre, survivre. Soudain, les corps qui jusque-là n'étaient que pulsions se fatiguent et s'adoucissent. Soudain, le registre change, c'est le jeu qui les réunit. L'on croit voir six enfants jouer à se lancer des boules.
La neige tombe encore. Lumineux, sur une pulsation comme le son d'un fusil de chasse, l'écran de glace est franchi, les phrases se répètent comme soulagées d'elles-mêmes, le cercle s'agrandit et nous applaudissons, envoûtés.
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