samedi 14 novembre 2009

Neige - Texte de Ludivine Joinnot

Il neige... Il neige sur Charleroi. Et la neige, sur Charleroi, pour neiger, danse…
Comme sur un nuage d’incertitude, de surprises, Michèle Anne De Mey entraîne ses spectateurs dans un tourbillon dont les limites ne sont pas immédiatement perceptibles. Passage d’un film à la scène, d’un décor à un autre, jusqu’à aboutir dans un aquarium géant. La fiction naît et meurt, au rythme de variations sur la 7e Symphonie de Beethoven.
Six danseurs s’enchevêtrent sur une scène la plus neutre qui soit. Le blanc et le noir se côtoient. Un jeu sur l’ambivalence qui s’appuiera davantage encore par la suite. Il faut du souffle, de la respiration, pour surmonter cette vision simple et tellement réaliste de la vie qui passe. Mais dès la première bouffée d’oxygène, l’instinct de survie prend le pas : on ne décroche pas malgré le mal qui grince dans l’estomac et le cœur.
D’un ricochet à un autre, il y a passage permanent de la vie à la mort, du silence au bruit, de l’immaculé à la trace, de la douceur à la douleur, de l’étrange au perceptible, du mouvement à l’état statique, de la lumière à l’obscurité, du jeu à la gravité, de l’homme à la femme, de la solitude au couple, de l’individualité au groupe.
Sans prétention, avec des moyens en apparence très «basiques», la chorégraphe bouleverse en faisant circuler dans le cycle. Cycle de l’eau, du liquide de la pluie au solide de la glace, en passant par le flocon. Cycle de la vie, aussi, d’une naissance à un au revoir. Cycle du jour, d’une aurore à un crépuscule. Et l’on joue. Bataille de neige pour ôter la gravité du climat et rendre ludique l’apparence globale du déroulé.
L’omniprésence de la neige tisse une harmonie de l’espace. Sentiment de synchronisme encore dans les mouvements des danseurs parfois désarticulés comme des pantins qui ne savent plus s’il faut courir ou se cacher dans l’horizontalité de l’hiver. La ligne blanche formée par la couche de neige au sol s’imbrique dans le décor, répondant à la ligne noire verticale des murs: un angle par lequel on regarde comme on regarderait au travers d’une vitrine. On renverse la tête, on renverse la boule, on la secoue. Et la neige tombe de plus belle, tantôt féerique, tantôt inquiétante.
Tout est éternel recommencement dans Neige. Et ce sont les corps qui sont les chefs d’orchestre de la symphonie. D’une mort à une vie. Ou l’inverse, peut-être…

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