lundi 16 novembre 2009

Squaregame - Texte de Sébastien Noulet

Le choix de ce premier spectacle de Cunningham à La Biennale n’est pas anodin. Datant de 1976, il nous facilite la lecture des chorégraphies à suivre. D’une rigidité formelle déjà impeccable, Squaregame joue du contraste propre à ce précurseur: confronter l’expérimentation sonore à un jeu de danse parfaitement structuré.


«C’est le processus qui compte»
Par cette phrase, Merce Cunningham nous donne une clé de compréhension sur son travail. En effet, chaque œuvre est le fruit d’un processus mental. L’on penserait presque à l’art conceptuel où prime l’idée sur la forme. Or, ici, la forme est parfaite, mais construite sur un concept, ici, celui du jeu dans un carré. Jouer, les danseurs le font, pas au sens premier et ludique, car chaque pas, chaque geste est calculé, peut-être sur base de l’espace quadrilatère dans lequel ils évoluent.
Surface blanche parsemée de sacs blancs sous une lumière blanche: l’ambiance est lumineuse et le jeu de même. Seule «liberté», les danseurs déplacent les sacs, sorte de bornes molles au-dedans de l’espace circonscrit.


Contraste étrange
Ce qui nous frappe également dans Squaregame, c’est le contraste schizophrénique entre une bande son à la fois spatiale et aléatoire et une chorégraphie strictement structurée. Si Merce Cunningham s’essaie à des musicalités nouvelles et chaotiques, il impose par contre à ses danseurs une ligne de conduite stricte, ne laissant aucune place à l’erreur. Il le dit lui-même: «je sais exactement ce que je veux». Cette rigueur vis-à-vis de ses danseurs lui permet de mieux faire ressortir la musicalité des corps. Ce qui est sûr, c’est que la maîtrise du jeu chorégraphique n’empêche pas l’expression d’un langage corporel nouveau surpassant de loin les codes classiques.


Performance physique
Le jeu très coordonné de l’ensemble et la fluidité des déplacements, produisent un phénomène étonnant: le spectateur oublie que les danseurs ne disposent que d’un espace clos, un carré blanc. Battements de pied, balancements de tête, épaules qui roulent, ventres qui se rentrent, chaque mouvement est d’une netteté surprenante.
Quant à la voix de Merce Cunningham, elle crache dans le micro, sans animosité mais faussement ludique. Par moment, la voix ou les sons surgis du fin fond modulent les mouvements. Les cordes vocales deviennent alors muscles et les cordes de la guitare tendons. Et toutes ces tensions ressortent à peine tant le jeu de l’ensemble est souple et mélodique.
Même lorsqu’à la fin, tous les danseurs affluent des quatre coins du carré, le spectateur est capable de suivre le fil qui, bien que complexe, nous mène vers une danse à l’articulation claire et jouissive.

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