lundi 16 novembre 2009

Split sides - Texte de Sébastien Noulet

Tout comme Squaregame, le titre Split sides trahit un jeu sur les angles et les droites. Œuvre plus récente (2003), cette chorégraphie impose un cadre précis aux danseurs, où chaque élément de la mise en scène est laissé au hasard.


Drôle de combinaisons
En préambule à Split Sides, cinq personnes du public, sélectionnées d’avance, lancent les dés. Chaque dé détermine, qu’il tombe sur un chiffre pair ou impair, une combinaison AB ou BA, portant successivement sur l’ordre de présentation du décor, de la lumière, de la musique, des costumes et de la chorégraphie. Pour cette représentation au Palais des Beaux-Arts de Charleroi, il a été fixé en première partie le décor et des costumes noir et blanc sur une musique de Sigur Rós, suivi du décor et des costumes en couleur sur une musique de Radiohead.

Une boîte à musique

Le spectacle s’ouvre donc sur un fond en noir et blanc. Les danseurs, costumes rayés sur décor rayé, se déploient soudainement sur scène comme des poupées cachées dans une boîte à musique. Si les danseurs sont des métronomes, la musique, elle, part dans tous les sens et vient de toutes parts. Dès le début, plus que la scène, c’est la salle entière qui est englobée dans une ambiance sonore envahissante de type surrounding. Et, dans celle-ci, on reconnaît la voix du maître, tantôt semblable à une prière obscure, tantôt à un extrait de discours ou à des chants incantatoires.


Un ballet contemporain…
La précision des danseurs confère à la pièce un élan majestueux. L’équilibre parfait, la gestuelle soignée, la lisibilité immédiate paraissent le fruit d’un apprentissage à la baguette digne du ballet classique. On regrette presque de ne pas connaître le nom des pas. Ils ressemblent à s’y méprendre à des «contre-chats», des entre-chats, des «chassés-croisés», des pointes, des «arcs», des grands écarts... Cette rigidité formelle, tracée à l’équerre et au compas, ne laisse aucun droit à l’erreur. Elle évoque l’académisme, le classique grec, et cette recherche effrénée de la symétrie. Dans les superbes duos, qui aèrent le rythme, les portés et «rattrapés» permettent des transferts de poids tout en légèreté et douceur. À un autre moment, un danseur est encadré par quatre danseuses. Quasi immobile, il trône tel un dieu vénéré par des vespérales accomplissant le rituel.


…dans la ville
Au moment où la scène vire aux couleurs, on découvre un paysage urbain, fait de gratte-ciel renversés, sous un ciel prismatique. L’arrière-fond semble brossé à coups de pinceaux larges, ce qui augmente le contraste déjà existant entre musique et danse. La chorégraphie, elle, semble dessinée au crayon fin. Les références urbaines rappellent les origines de Merce Cunningham et dévoilent un aspect jusque-là plus discret: l’architecture mouvante de son écriture chorégraphique. On comprend mieux alors le peu ou le manque d’humanité des danseurs. Des machines gracieuses et élégantes, programmées à exprimer mieux que les humains ce que seuls les humains ressentent. Et quand, à la fin, la musique accélère et se rapproche de la techno hypnotique, les êtres humains que sont les danseurs deviennent de superbes images de synthèse exécutant une danse sans défaut, dans l’éclat de toute sa splendeur.

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