jeudi 19 novembre 2009

Street performance - Texte de Vincent Desoutter

Inquiétude 
Sur le parvis de l'hôtel-de-ville, huit «terriers» jonchent le pavé. La clôture du périmètre, et surtout la mèche rouge qui relie ces monceaux de terre, éveillent un sentiment d'inquiétude. Gwendoline Robin s'y présente, l'air concentré, les traits durcis. Armée d'un tube de verre, elle entame une brève danse, tournant et se laissant entraîner par la force et le poids de son outil, comme sur le point de perdre sa maîtrise. Après y avoir introduit une mèche et mis le feu aux poudres, elle crache une épaisse fumée en direction des gens massés autour du périmètre sécurisé. Une fois le verre fumé, l'ustensile est abandonné, consumé. La performeure s'attaque alors à la seconde mèche, rouge, et entame une course de plus en plus effrénée autour de son installation. La flamme sur la mèche, elle aussi, ne s'arrête pas... L'accélération progressive renforce un sentiment de danger imminent.


Dans le feu de l'action
Soudain, une explosion, assourdissante. Choc d'une grande violence, véritable bombe. Des éclats de terre jaillissent jusqu'au public. Mouvement de recul de la foule comme un seul homme. Pas de répit. Les explosions s'enchaînent autour de la performeure, dangereusement exposée. Entre deux flashes et nuages de fumée, on la voit tournoyant, projetée d'une déflagration à l'autre. Ambiance apocalyptique. Comme rebondissant sur un champ de mines, Gwendoline Robin met en scène un jeu cruel où la chair devient viande, tant sa propre explosion apparaît comme seule issue possible. Chaque détonation serre les tripes, opprime le cœur.


Sérénité
Le calme revenu, la «pyroplasticienne» se dirige résolument vers les marches de l'hôtel-de-ville pour y enfiler une combinaison ignifugée. Préparation méthodique à sa propre mise à mort. A ses chevilles, de solides charges explosives amarrées. Dans son expression, une détermination qui évoque une figure kamikaze. Après avoir allumé la mèche, elle esquisse quelques pas, prend subitement feu, disparaît. Sa silhouette même s'efface dans un nuage opaque aux relents de soufre.


Terrorisme artistique
L'espace public est ici en proie à une intervention qui tient de l'attentat. D'abord, avec l'explosion progressive de l'installation. Ensuite, avec la destruction symbolique du corps de son interprète. Enfin, avec l'annihilation de la notion même d'espace. Le souffle des explosions a largement dépassé le cadre strict du rectangle enrubanné, forme géométrique désormais oubliée. Un choc irrévocable. Un parfum de définitif, de plein, entre l'explosion des pains de plastique et la plastique des explosions. Hébétés, les témoins cherchent à reprendre leur souffle. Quelques-uns se relèvent ou osent timidement se remettre à découvert. La violence n'a laissé personne indemne.

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